Rencontre avec Caius Julius Caesar
Par Legion VIII Augusta • Publié dans : Empire romain
Vous retrouverez les arguments maniés dans cette rencontre, conçue comme un entretient télévisé ou radiophonique dans une note en bas de page.
Bonjour
Salve
Question: Avant de commencer, je vous prie de m’excuser, j’ai griffonné quelques notes pour mieux guider notre entretien.
César: J’ai moi-même rédigé et préparé quelques notes chiffrées pour tenter de mieux répondre à vos questions.
Question: Je vous présente donc au public, vous vous appelez Jules César.
César: Ah non ! Pas du tout, je ne me nomme pas Jules César, je ne me suis jamais appelé Jules César !
Question: Cela commence bien, mes collaborateurs m’auraient-ils fourni de mauvais renseignements ? Donc déclinez votre identité.
César: Ego Caius Julius Caesar, Caii filius, Caii Nepos. Moi, je suis Caius Julius Caesar, fils de Caius Julius Caesar, petit-fils de Caius Julius Caesar, né le juillet 100 av. J.-C.
Question: Cela me paraît compliqué, pouvez-vous traduire pour le commun des mortels, dont moi d’ailleurs ?
César: Comme tout citoyen romain, je porte 3 noms, les tria nomina. Le premier, Caius, mon praenomen, correspondrait à vos prénoms. Le second, Julius, mon gentilice, désigne ma gens, c’est-à-dire ma famille au sens très très large du terme ? J’appartiens à la gens Julia. Le troisième, Caesar, est mon cognomen, un peu comme un surnom.
Question: Bien, mais alors comment doit-on, comment dois-je vous appeler ?
César: Si vous étiez un de mes intimes, très intime, vous pourriez m’appeler Caius. Pour tous les autres, donc pour tout le monde, vous devez m’appeler Caesar.
Dans une rue fréquentée si vous hurlez Julius, tous les membres de ma famille et mes affranchis lèveront la tête. Si vous criez Caius, bien des hommes crieront « Quid vis ? » Que désirez-vous ?, ce prénom est fort répandu.
Maintenant, si vous appelez Caesar, une seule personne pourra vous répondre, moi, puisque mon père est mort quand j’avais à peine 16 ans, en 85 (av. J.-C.).
Question: Donc, Caesar, mais ce surnom de Caesar, que signifie-t-il puisqu’il semble avoir tant d’importance pour vous ?
César: Mon cognomen de Caesar à fait couler beaucoup d’encre, pour les uns il viendrait de :
- Caesius, car j’aurais les yeux pers.
- Caesaries pour d’autres car je serais né avec d’abondantes touffes de toison.
- Pour d’autres enfin, je serai né par césarienne… ce qui est totalement faux. Nous ne pratiquons cette opération que si la mère meurt en couches pour tenter de sauver l’enfant. Ma mère meurt en 54, j’avais alors 46 ans ! Note : Pour vous éclairer, la première césarienne connue dans l’histoire de la médecine serait l’œuvre d’un châtreur de porc Suisse, en 1500, Jacques Nufer.
De toute façon remarquez bien que mon père et mon grand-père portent le même cognomen que moi…..
Question: Mais vous, c’est votre avis que je veux ! Pardon, Caesar, que je voudrais.
César: La tradition familiale prétend qu’un de nos ancêtres aurait, au cours des guerres puniques, abattu un éléphant en lui tranchant les jarrets (Caesor = celui qui coupe) ou du terme punique Késar qui désignerait l’éléphant… étymologie elle aussi critiquée par certains de vos étymologistes.
Donc moi, je m’en tiendrai à la tradition familiale et vous, vous devrez vous résoudre à ne jamais savoir l’origine exacte de mon cognomen.
Question: Bien, mais votre gens, comme vous désignez votre famille, la gens Julia, vous la faite descendre de Vénus, ce n’est pas un peu… gonflé non ?
César: La tradition, la tradition… Quelle est la grande famille qui n’a pas recherché de possibles origines royales ou divines ? Une généalogie montée par des spécialistes, une légitimité dont au fond seul le peuple est dupe.
Vénus + Anchise
V
Enée
V
Ascagne ou Julius
V
Les Julii dont l’ensemble forme la gens Julia
V
Enfin, Ego !
Question: C’est beau, mais la réalité ?
César: Laissons la légende de côté… Mon grand-père Caius Julius Caesar eut 3 enfants :
- mon oncle, Sextius Julius, consul en 91.
- ma tante, Julia… sacré personnage qui épousa Caius Marius (en 110), le vainqueur de Jugurtha (en 105), des Teutons (Pourrières, en 102) puis des Cimbres (Vercelli, en 101), six fois consul…
- mon père, Caius Julius Caesar.
Mon père épousa une Aurelia Cotta, fille d’une gens plébéienne riche et puissante avec son grand-père Lucius Aurelius Cotta qui fut consul (en 119).
Question: Vous avez, si je ne me trompe, une double ascendance : patricienne et plébéienne ?
César: Bien vu, et cela explique beaucoup, beaucoup de choses. J’ai des ascendances patriciennes du côté paternel et plébéienne du côté maternel avec les Aurelii Cottae, sans compter ma tante Julia, l’épouse de Marius…Tout me poussait vers les populares contre les optimates. Ne cherchez pas ailleurs les moteurs de ma carrière et les raisons de mon assassinat.
Je suis un patricien au service de la plèbe dans la tradition de Marius et des Aurelii Cottae, mes sympathies, mes attentions vont vers les proscrits, les exilés, le peuple romain et surtout vers mes soldats que sont le peuple romain en armes !
Question: Bien mais votre éducation ?
César: Celle de tout jeune patricien romain. Jusqu’à 7 ans avec ma mère Aurelia, secondée par un litterator, et j’apprends à compter lire, écrire, parler… en latin et en grec.
De 7 à 16 ans mon père me fournit les meilleurs grammatici dont un gaulois, Gnipho.
Puis je fis « mes universités » avec le rhetor, j’appris le tirocinium fori, le métier d’avocat, je fis un séjour à Rhodes sous la férule d’Appolonios Molon, puis à Athènes avec Athenodore de Tarse. En même temps, je fortifiais mon corps et devenais un athlète complet, excellent nageur, coureur, cavalier, escrimeur…
Question: Il y a bien un moment où vous entrez directement dans votre cursus honorum ?
César: Je me suis opposé au dictateur Sylla et j’ai dû, pour ma santé personnelle, fuir Rome… Heureusement, plusieurs hauts personnages, dont Julia, obtinrent que Sylla m’oublie quelque peu… Bien qu’étant un populares, j’avais conservé des amis, des relations, chez les optimates et je pus intégrer le groupe de la cohors amicorum, la cohorte des amis, accompagnant en 81 le préteur Marcus Minucius Thermus, en Asie, j’avais à peine 19 ans.
Question: Je vous coupe, mais n’est-ce-pas là l’affaire de la Reine de Bithynie ? Nous avons bien dit avant cette entrevue « toutes les questions » ?
César: Ah ! Bon, allons au fond des choses si j’ose dire.
Nous somme en 81, j’ai donc à peine 19/20 ans, Thermus file sur Mytilène (île grecque Egée), assiégée par Lucullus. Nous avons besoin de la flotte promise par Nicomède, le roi de Bithynie (votre Anatolie, le long de la mer de Marmara). Je pars en ambassade, j’obtiens les bateaux et je m’attarde quelques jours à la cour de Nicomède. Il n’en fallut pas plus pour que de « bonnes langues » me collent sur le dos une réputation d’homosexuel passif. Cette histoire de Reine de Bithynie me collera à la peau toute ma vie, même mes vétérans en firent des gorges chaudes et me le chantèrent en marche… mais eux c’étaient mes garçons !
Maintenant, le problème reste simple :
- Pour un romain, l’homosexualité active envers un esclave ou un tiers n’est pas dans le domaine du condamnable.
- L’homosexualité passive reste une honte !
A vous de choisir et de comprendre. Ais-je satisfais le roi par mon activité ? Ais-je comme le chante la rumeur, subi ? Dans ce cas, j’aurais sacrifié une part de mon honneur et donné mon corps pour la fortune des armes de Rome… Qui aurait alors le droit le droit de me le jeter à la face ?
J’ai aussi pu charmer le roi par ma culture, mon grec et mes talents oratoires. Je suis capable de raconter Homère et tant d’autres auteurs.
Question: Et vous n’avez fait que cela, pardon, que cette ambassade ?
César: Oh non ! Lucullus a tenté de me faire tuer au combat par tous les moyens ! Il me donna une cohorte et me lança dans l’attaque d’une position avec mission de la tenir ou de se faire tuer sur place… Nous avons tenu et j’ai même sauvé la vie d’un centurion, je reçu la couronne de chêne, la corona civica. Ce fut le début ! Ah, j’ai aussi honoré beaucoup de femmes dans le camp ou autour… et je me suis fait traiter de grosse mentula !
Question: Mais votre véritable entrée en politique ?
César: Je quitte l’entourage de Thermus, participe encore à quelques engagements en Cilicie, puis rentre à Rome en 78, après l’abdication de Sylla, j’ai 22 ans.
Et de 78 à 70, j’ai mené une vie de plaisirs et largement satisfait au culte de Venus dans le lit des plus belles femmes de Rome, à part deux excursions, l’une à Rhodes, l’autre, face encore une fois à Mithridate.
Question: Rhodes ? Ce n’est pas l’épisode de vos fameux pirates ?
César: Si, oh si ! Je partais suivre les cours de rhétorique d’Appolonios Molon et je suis intercepté par des pirates, nous étions en 75 (81 pour d’autres). Ils demandent à peine 20 talents, soit 520 kg d’argent pour ma libération… Je leur fis observer que Caesar en valait au moins 50 (soit 1300 kg d’argent). Je leur promis, sur le ton de la plaisanterie, que je reviendrai les capturer et les crucifier… Ils ont beaucoup ri… l’année suivante, j’équipe une flotte, je les retrouve, et je les fais crucifier… après les avoir étranglés par pitié…
Question: Et la deuxième excursion face à Mithridate ?
César: Je suis parti en Asie, j’ai levé des troupes, construit un système défensif que Mithridate n’a même pas pu égratigner ! J’avais à peine 25 ans et démontrais que j’étais capable d’exercer un commandement (75/74).
Puis j’ai choisi la politique sans penser qu’elle me ramènerait à la guerre.
Question: Vous entrez donc en politique et, en gros, de 71 à 59, vous parcourez toutes les étapes du cursus honorum.
César: Tout à fait. Je grimpe un à un tous les échelons, toujours à l’âge minimum et dans la plus parfaite légalité.
- Tribun militaire à – de 30 ans (en 72-71)
- Questeur en 69, j’ai 32 ans, en Espagne. C’est l’année où je perds ma tante Julia et ma jeune épouse Cornelia, fille de Cinna.
- Curateur de la via Appia (68-67).
- Edile curule (65).
- Fonctions judiciaires (64 et 63).
- Préteur (en 62, à 38 ans).
- Pro préteur en Espagne (61-60) = guerre.
Enfin, enfin, consul en 59 !
Et pendant ce temps, je me rapproche de Gnaeus Pompeius Magnus (triumvirat en 60 Crassus/Pompeius/Caesar) qui épouse ma fille Julia en 4ème noces !
Question: Consul ! Consul et populares, vous voilà à même d’appliquer vos idées de gouvernement.
César: J’arrive à faire voter et valider deux lois agraires, la lex Iulia agraria (15 avril et fin avril 59) qui reprennent les terres de l’ager publicus confisquées par des optimates, pour y installer 20 000 citoyens de Rome et des vétérans. Ces terres sont payées par le butin que Pompée ramène d’Orient.
En plus, ma lex Iulia de repetundis lutte contre la fraude, contre la perception illicite de sommes par les agents publics, la concussion si vous préférez ! Le rôle des impôts sera affiché dans deux villes de chaque province et placardé à Rome ! Les victimes d’extorsion reconnues sont remboursées. Cette loi a un énorme impact moral et politique. Enfin, j’obtiens que les délibérations du Sénat soient affichées, je rends le Sénat responsable devant le peuple pour la première fois.
Question: Cela ne va pas plaire à tous le monde ?
César: Les optimates enragent mais ils sont battus. De plus, grâce à Vatinius, à sa lex Vatinia de imperio Caesaris, ils me donnent pour 5 ans le gouvernement de l’Illyrie et de la Cisalpine avec 3 légions. J’ai le pouvoir de créer des colonies, de choisir mes légats et, le plus beau, sans que personne ne le demande, ils ajoutent la Gaule Transalpine, votre Gaule, avec en prime une quatrième légion.
Question: En 59 ? Mais dès 58 vous tombez sur la Gaule ? Pourquoi ? Par ambition ? Appât du gain ? Soif de gloire ?
César: Bon, laissez-moi d’abord vous replacer dans le contexte.
Dès 60, les Helvètes tentent de passer des accords avec d’autres tribus gauloises et cherchent notre neutralité pour quitter leur Suisse et partir s’installer en Saintonge. Le consul Quintus Caecilius Metellus Meter n’attend que cela pour leur tomber dessus et se couvrir de gloire, mais rien ne se produit…
En 58, je suis à Rome et j’apprends que 368 000 Helvètes, dont 92 000 guerriers, se mettent en marche. Ils vont traverser toute la Gaule, entrer au contact de tribus… La nouvelle arrive à Rome et cause l’effroi. Dans notre mentalité, à ce moment là, le Gaulois reste celui qui pilla Rome, au IVème s. av. J.-C. ; nous avons aussi en mémoire la révolte des Allobroges en 63-61.
Il faut rassurer nos alliés et tout le sud de la Gaule, romanisée depuis plus de 60 ans ! (125-118). Bien sûr, je vous l’accorde, il y a la perspective d’un butin abondant, d’enrichissement, mais là aussi, dans notre mentalité, s’enrichir en enrichissant les autres et Rome reste une bonne chose.
Question: Et Cicéron ?
César: Ciceron ? oui, Marcus Tullius Cicero lui-même, m’expédie son frère Quintus et des amis à lui pour qu’ils soient délivrés de l’embarras de leurs dettes ! Alors !
Question: Justement, alors ? Alors ? Cette guerre ?
César: Elle durera de 58 à 51 avec surtout 4 grandes batailles.
- Bibracte en 58 contre les (90 000) Suèves d’Arioviste.
- Les peuples du Nord en 57 sur l’Aisne avec les Bellovaques, Suessions, Nerviens, Atrébates, Ambiens, Morins, Ménapes, Calètes, Véliocasses, Viromanduens, Atuatuques… 236 000 guerriers, trois fois plus que les Helvètes….
- Les Nerviens en 57 avec la bataille du Sabis.
Après, ce ne fut pas une promenade mais… Gergovie (52), Alésia (52), Uxellodunum (51).
Question: Quelles sont les conséquences de cette guerre des Gaules ?
César: Sur le plan personnel, je tire le plus grand profit de cette entreprise aussi bien sur le plan financier que sur le plan politique.
Mes légionnaires se sont gavés de butin. Sur le plan humain, le nombre de morts reste très difficile à évaluer : 400 000 selon Velleius Paterculus, 1 000 000 selon Plutarque qui romance toujours, et le nombre de prisonniers dépasse celui des tués. Un de vos historiens, Harmand (La conquête césarienne des Gaules – RAS12 – 1982 – p. 85-130) estime à 300 000 le nombre de morts et à 500 000 le nombre de prisonniers.
Le tribut annuel sera de 40 000 000 de sesterces par an… Je donne à la romanité l’Océan et le Rhin pour frontières. A la fin de 51, je dispose donc de beaucoup d’argent, d’une armée dévouée et aguerrie, d’un immense prestige.
Question: Bon, admettons ces données que nul ne peut et ne pourra jamais vérifier. Mais comment basculez-vous dans la guerre civile ? La guerre en Gaule de 58 à 51, puis la guerre civile de 50 à 45, cela fait en tout 12 à 13 ans de combats !
César: Je sens que vous voulez me faire endosser le rôle du méchant. Aussi, mon jeune ami, permettez-moi de vous rappeler, à vous, et à cette noble assistance :
- Les guerres sociales entre Rome et ses alliés italiens revendiquant, à juste titre, la citoyenneté romaine (91-89), j’avais à peine 9 ans et un enfant de 9 ans comprend ce qui se passe en voyant partir les légions.
- Les deux guerres civiles entre Caius Marius et Lucius Cornelius Sylla (88-81), j’ai 12 ans quand elles commencent et 19/20 quand elles finissent…j’ai bien failli y laisser ma peau.
- Avez-vous oublié que ce Sylla, dictateur perpétuel, fut le premier à franchir le pomerium avec ses légions ?
- Avez-vous oublié les listes de proscrits bon à abattre que Marius et Sylla affichaient sur les murs !
- La rébellion de Lépide (78-77).
- La révolte de Spartacus (73-71).
- La conjuration de Catilina (64-62).
Allons, de 91 à 62, répression, trahison, assassinats sont le quotidien de la politique romaine et de la vie en Italie et c’est moi, Caesar, qui enfin unifie la péninsule en 46, et cela au prix de ma vie !
Question: J’entends bien, mais pourquoi alors, après presque 30 ans de guerre, vous en remettez une couche ?
César: Nous sommes en pleine opposition entre populares et optimates et ce conflit dégénère et, en une seule année, devient un problème entre Pompée et moi.
Tout part d’un simple problème de chronologie. La loi Vatinia (lex Vatinia de imperio Caesaris, votée en 59) m’accorde le proconsulat pour 5 ans à partir du 1er janvier 58 et la lex Pompeia Licinia le proroge pour 5 années supplémentaires donc, jusqu’en 48.
Pour Pompée et ses partisans, les optimates, mon proconsulat devait s’arrêter le 1er janvier 49 me privant de mon imperium.
De part et d’autre nous faisons, pas toujours avec la meilleure bonne foi, des propositions. Finalement, je propose que Pompée et moi renoncions tous les deux à nos commandements. Le Sénat accepte par 370 voix contre 22. Vous entendez bien, le Sénat accepte avec une écrasante majorité et je n’avais pas, loin s’en faut, 370 amis dans cette assemblée ! Des pompéiens, Metellus, Caton, Bibulus…anéantissent cette décision légale, ils demandent à Pompeius Magnus à Pompée de défendre la République. Je retourne une lettre au Sénat affirmant que je suis d’accord pour déposer les armes en même temps que Pompée, le 1er janvier 49. Le 7, le Sénat me dépose, c’est l’irréparable et il ne vient pas de moi. Le 12, je franchi le Rubicon avec la XIII, la VIII me rejoint début février, puis la XII.
Question: Et la suite ?
César: Je prends l’Italie en 60 jours, l’Espagne, Marseille, les îles (49), tout l’Occident puis j’attaque l’Orient !
A Pharsale je n’ai que 22 000 hommes et 1000 cavaliers à opposer aux 45 000 hommes et 2000 évocats de Pompée… Pompée fut un grand général, Caesar fut plus grand, je n’avais que quatre légions à opposer à ses 10 légions ! :
- 15 000 morts
- 24 000 prisonniers
- 9 aigles
- 180 enseignes
- Un butin phénoménal
Pompée s’enfuit et fut malheureusement assassiné le 28 septembre 48 et cela je ne le voulais pas ! La guerre se poursuit en Egypte, en Afrique (46-45) jusqu’à la bataille finale en Espagne, à Munda (17 mars 45).
Question: Dans toutes ces guerres et Cléopâtre ? Cléopâtre et Césarion ?
César: Je débarque à Alexandrie le 2 octobre 48 et j’arrive en pleine guerre civile. Cléopâtre VII, 21 ans et Ptolémée XIII, 12 ans, se font la guerre ! Je lui rends son royaume ainsi qu’à son frère-époux Ptolémée XIV et, pour prix de ma générosité, je la reçois dans ma couche. Je la quitte début mai – fin juin 47 pour briser une révolte en Asie. Je ne la fais venir à Rome qu’après le 1er septembre 46, un an plus tard… Je n’avais donc que peu d’empressement de revoir cette maîtresse qui n’avait aucun des charmes que vous lui prêtez ! Elle avait une physionomie hommasse, de grosses lèvres, un grand nez…
Après ma victoire de Munda, en 45, je la reçois encore à Rome et l’installe dans les jardins sur la rive droite du Tibre et non à la domus regia où vivait Calpurnia. De toute façon, en 45, je suis passé à Eunoé, femme de Bogud, le roi de Maurétanie…
Question: Oui, mais Césarion ?
César: Je vous fais remarquer que mon secrétaire personnel Oppius, mon premier biographe, Nicolas de Damas démentent cette paternité.
Vous retrouverez une lettre de Cicero (lettre à Atticus datée du 11 mai 44) qui date la naissance de Césarion du 20 avril 44 et donc sa conception en juillet 45. A ce moment là, je lutte en Espagne mais Marc-Antoine est auprès d’elle… il serait donc son père.
Question: Alors pourquoi la faire venir à Rome ? Pourquoi prétendait-elle que Césarion était de Caesar ?
César: En l’attirant à Rome, je démontrais clairement que je tenais à l’Egypte et toutes ses richesses, mines, blé…
Quant à elle, elle opposait un enfant, Césarion, mélange de sang royal et de sang divin (je descends de Venus !) à Octave. Elle le paya de sa vie et de celle de son fils.
Question: Bien, de 49 à 44 vous êtes, sauf erreur de ma part, nommé 4 fois dictateur, puis dictateur perpétuel et 4 fois consuls, donc vous appliquez quel programme politique ?
César: Enfin ! Mon œuvre en faveur de la plèbe nécessiteuse de Rome !
Une première loi établit un moratoire pour les loyers inférieurs à 2000 sesterces à Rome et inférieurs à 500 sesterces en Italie.
Deux autres lois concernent les dettes : en 48 les taux d’intérêt sont abaissés et en 47, les petits débiteurs furent libérés, mais les gros, ces lâches qui refusaient d’honorer leur signature, durent payer.
Les plus pauvres échappèrent à la cessio et à la contrainte par corps.
Une loi frumentaire permet aux pauvres d’obtenir du blé à bas prix.
Une loi permet de distribuer une prime aux familles nombreuses, vous appelez cela les allocations familiales.
Je promets 75 deniers à chaque citoyen mais je ne les verserai qu’en 46, 75 deniers, plus 25 pour le retard !
J’offre spectacle, jeux et banquets (260 000 personnes à la fois !).
Je verse 24 000 sesterces aux légionnaires soit 8000 deniers soit plus de 20 années de salaires !
Et plus encore, j’installe plus de 80 000 hommes sur des terres ou des colonies partout en Occident comme ici, à Arelate.
Je crée les préfets de la ville, je crée une bibliothèque nationale avec deux versions, grec et latin.
J’offre la citoyenneté aux professeurs et médecins de haut niveau qui ne l’avaient pas.
Et plus, pour diminuer le nombre de chômeurs, je lance une politique de grands travaux pour embellir Rome : Curie, portiques, basilique, forum…
Je fais assécher les marais, envisage de percer le lac Fucain, construire une route Tibre-Adriatique.
Cette politique de grands travaux fut celle de bien des pays modernes du XVIII au XXe siècle !
Et le calendrier Julien avec son année de 325 ,25 jours!
Et je crée l’étalon or avec un aureus de 8, 21g valant 25 deniers, j’instaure la monnaie unique avec un rapport or/argent de 1/12.
Bien sûr, j’ai confondu pour ce faire ma fortune personnelle et celle de l’Etat, mais je laisse malgré cela 175 000 000 de deniers dans les caisses du Trésor.
Question: Vous êtes donc un révolutionnaire ?
César: Oui et c’est pour cela qu’un quarteron de sans parti, d’hommes sans foi ni loi, de jeunes loups imbéciles et de maréchaux vieillis m’ont assassiné le 15 mars 44 de 23 coups de poignard !
Question: Qui sont exactement ces gens ?
César: Deux douzaines d’hommes dont certains ne sont toujours pas identifiés… tous ont en commun de tout me devoir, charges, postes, honneurs, position sociale et richesse, des césariens déçus pour un poste refusé tel Minucius Basilus, Tiullius Cimber, les Casca,… des pompéiens que j’ai pardonné, gracié et pourvu comme Casius Longinus, Ligarius, Pontius Aquila ou comme mon propre fils Brutus… des sans parti comme Pacuvius Antistius Labeo, Cassius Parmensis, Turullius ou Petronius.
Question: L’utilité de ce crime ?
César: Aucune. Ils n’avaient aucun programme, ils se débarrassaient de l’objet de leur haine après une campagne de calomnies et ils précipitent Rome dans une nouvelle guerre civile avec Octave et Antoine puis Octave contre Antoine. Ils font le lit de l’Empire et des Césars qui me succèdent.
Pire, le 18 mars je devais rejoindre Appolonia en Grèce. Là, m’attendaient, m’espéraient 16 légions, 10 000 cavaliers aux ordres d’Octave, soit plus de 100 000 hommes sans compter les auxiliaires, les 1000 pièces d’artillerie, le train…nous partions venger Crassus et mater les Parthes ! Les Parthes peuvent leur dresser des statues !
Question: Pour nous, où trouver ces renseignements, comment vérifier vos assertions ?
César: J’ai eu 5 biographes présentant bien sûr, 5 Caesar différents.
Nicolas de Damas (sous Auguste) qui me présente comme un innocent injustement assassiné.
Suétone (vers 121) avec sa vie des douze Césars, écrit sous Hadrien. Lui, pense que j’ai été tué à bon droit.
Plutarque, le grec, dans ses vies parallèles me présente partagé entre gloire et clémence…
Appien (IIe s.), dans les guerres civiles me définit lui comme un homme qui veut la royauté et qui doit disparaître…
Dion Cassius, sous la dynastie des Sévères, me peint comme un modèle d’idéal monarchique que les flatteries perdirent.
Mais ces cinq auteurs qui décrivent cinq Césars différents, ont servi l’Empire à des postes différents. Mon assassinat les gènes, les embarrasse, ils ne peuvent faire l’apologie des meurtriers, ils sont, tous les cinq, des conservateurs et ne peuvent comprendre le révolutionnaire que je fus.
Et après il y a eu des dizaines de « César » et certains, les plus récents et les meilleurs sont là, sur la table : Goudineau, Le Bohec, Etienne, Brethes, sans oublier Carcopino.
Question: Que diriez-vous en conclusion de cet échange ?
César: J’ai donné à Rome de nouvelles frontières, l’Océan et le Rhin, unifié l’Italie, fondé les bases de l’Empire, servit les intérêts de la plèbe contre les riches !
Je fus le premier soldat de l’Empire et préparé la meilleure armée du monde.
J’avais pour amis tant de nobles gaulois que l’on me qualifia de nouveau Brennus et je leur ouvris les portes du sénat !
Au fond, j’ai exercé le métier de noble dans la Rome républicaine, à la fois juge, avocat, financier, ingénieur, prêtre et officier et mon nom hante encore toutes vos mémoires.
Note : Vous retrouverez les arguments maniés dans cette rencontre, conçue comme un entretient télévisé ou radiophonique dans :
- BRETHES J.-P., César, premier soldat de l’Empire, Diffusion ANRT, Bordeaux, 1996, pp. 454.
- CARCOPINO J., Jules César, 6eme édition, 1990, PUF, pp. 608.
- ETIENNE R., Jules César, Fayard, 1997, Paris, pp. 323.
- GOUDINEAU C., César et la Gaule, Éd Errance, 1990, pp. 394.
- LE BOHEC Y., César chef de guerre, Éd. du Rocher, 2001, pp.511.
- MALYE J., La véritable histoire de Jules césar, Les belles Lettres, Paris, 2007, pp. 448.
R.C.